Monday, February 19, 2018
Habermas: "We don't need a German Macron"
A short interview with Habermas in the French magazine "Le Point" (February 15, 2018):
"Nous n'avons pas besoin d'un Macron allemand"
Excerpts
Le Point: En 2017, vous avez soutenu avec beaucoup d'enthousiasme la candidature d'Emmanuel Macron à l'élection présidentielle française. Pourquoi l'admirez-vous autant ? Rêvez-vous, comme beaucoup de vos compatriotes, d'un «Macron allemand»?
Jürgen Habermas: Vos questions me semblent formulées avec un peu trop d'enthousiasme. Nous n'avons pas besoin d'un Macron allemand puisque nous en avons un français - nous avons besoin d'un gouvernement allemand qui apporte la réponse juste. Ce qui distingue Macron de tous les dirigeants européens, c'est l'instinct politique avec lequel il voit en l'avenir de l'Union européenne un défi décisif, non seulement pour celle-ci mais aussi pour sa propre nation. Son sens des priorités va de pair, semble-t-il, avec l'heureuse coexistence de trois qualités : sa volonté de faire bouger les lignes en politique ; une intelligence constructive apte à tracer une ample perspective; et la force de parole avec laquelle il a convaincu la majorité de la nation française et qui, espérons-le, sera entendue en Allemagne et en Europe.
Le Point: Il n'y a pas si longtemps, Angela Merkel était «la femme la plus puissante au monde» et l'Allemagne conduisait les affaires européennes. La France de Macron est-elle en train de reprendre le leadership européen?
Jürgen Habermas: Il s'agit moins de leadership que de juste initiative. Celle-ci vient aujourd'hui du président français. Si cela satisfait les Français, c'est bien comme ça. Mais, plus que la fierté nationale, ce qui importe, c'est le but auquel doit conduire cette initiative, à savoir renforcer l'esprit de coopération entre tous les participants et modérer l'égoïsme national, y compris le nationalisme économique allemand. Il faut en effet que les peuples d'Europe comprennent que la solidarité qu'ils exercent aujourd'hui servira à plus long terme leurs propres intérêts.
Le Point: Emmanuel Macron veut inviter 80 chefs d'Etat et de gouvernement à Paris pour célébrer le centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale, soulignant que «ce sera l'occasion de réfléchir à l'organisation du monde». Cette idée n'est-elle pas un peu présomptueuse?
Jürgen Habermas: Votre président aime les grands gestes; et sans doute, après tous les malheureux grands gestes que l'Allemagne a faits, pour lesquels l'empereur Guillaume II était déjà connu avant la Première Guerre mondiale, manquons-nous du juste regard pour apprécier les choses. J'ai le sentiment que Macron, lui, ne perdra pas son regard, et sous ces prémices, il ne peut pas être dommageable qu'il rappelle à ses collègues, timides et étriqués, que la politique ne se limite pas à l'opportuniste adaptation aux nécessités du jour et du pouvoir, prétendument systémiques. Le courage d'innover en politique exige un regard informé sur l'avenir. Il faut avoir le goût d'en savoir plus que les réalistes blasés qui s'empressent de dire que «celui qui a des visions doit consulter un médecin». Jusqu'à présent, les visions de Macron demeurent à la hauteur de son intelligence. Et tant que c'est le cas, je suis reconnaissant à toute personnalité politique qui ose exiger encore de ses électeurs un raisonnement dépassant le cadre de la norme.
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The interview is due to the publication of a French translation of Stefan Müller-Doohm's Habermas biography: "Jürgen Habermas - une biographie" (Gallimard, 2018).
See my posts on the English edition of the biography here. And to reviews of the book here.
See also Habermas's essay on the European vision of Macron here (October 2017).
(Thanks to Valéry Pratt for the pointer!)
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